Espace fer et forges d’Etouars

Du « Périgord-fer » au « Périgord Vert »

Il est difficile d’imaginer aujourd’hui que le Périgord et surtout sa partie nord appelée « Périgord-Limousin » ou « Périgord Vert » fut un des berceaux de la sidérurgie en France. Pourtant, pendant plus de deux siècles (fin XVIIe, XVIIIe et jusqu’à la fin du XIXe) ce fut une région dont l’activité économique se basait essentiellement sur ses 140 forges ! (dont plus d’une centaine œuvrant simultanément) et l’activité agricole traditionnelle. Ces forges fabriquaient de la fonte de fer, des fers de différentes qualités, de l’acier, des objets en fonte tels que marmites, plaques de cheminée, etc. et pour certaines des canons de marine pour l’arsenal de Rochefort (Etouars ; Javerlhac : Forge-Neuve – La Chapelle – Jomelière ; Ruelle, par ex.).

Elles s’installent au plus près de ressources naturelles utilisées (minerai de fer : la mine ; charbon de bois ; cours d’eau : énergie hydraulique).

Les forges D’Etouars

On distingue la forge haute à proximité du premier étang où l’on produisait de la fonte dans le haut fourneau et la forge basse ou affinerie près du deuxième étang où l’on transformait la fonte en fer ou en acier par re-chauffe et martelage.

Eléments historiques

  • 1766 : fabrication de canons pour Ruelle et de fer.
  • 1774 : outre le haut fourneau, elle est équipée d’une forge à battre deux feux. La roue du marteau est à aubes et les trois autres (hauts fourneaux et feux d’affinerie) sont à seaux. On y coule des gueuses.
  • 1789 : id. 80 ouvriers.
  • 1811 : 100 ouvriers. On y produit 5000 quintaux métriques de fonte en gueuses et 500 quintaux de fer forgé. Un haut fourneau, trois affineries, deux marteaux.
  • 1868 : face à la concurrence (dont le traité de libre échange entre l’Angleterre et la France de 1860) la forge cesse toute activité.

Les canons de marine : technique de fabrication au 18e siècle

Le Minerai de fer : la « myne »

La mine était extraite à l’aide de pelles et de pioches en puits ou à ciel ouvert (15 m au maximum). Transportée à dos d’âne ou dans des tombereaux jusqu’à la forge, elle y était lavée et cassée par une machine hydraulique (le bocard) et à la main à l’aide de gros marteaux.

  • Le minerai d’Etouars venait des alentours : Javerlhac (Puymoger, la Fayolle), Teyjat, Varaignes (la Côte).
  • Ouvriers : tireurs de mine ou paysans après les labours ; bocardeurs pour le concassage et laveurs.

Le charbon de bois

Charbon de châtaignier, chêne ou hêtre éventuellement.

  • Ouvriers : charbonniers dont « brouetteur », « gléveur » chargé de la glève ou terre engazonnée posée sur la meule de bois pour cuire sans flammes. Transport : ânes et mulets.

Chargement

Mélange de charbon, de minerai concassé et de fondant (castine : calcaire pilé). Chargement par le haut du haut fourneau (le gueulard) ; combustion et chargements réguliers pendant 24 à 48 heures (selon la pièce désirée) ; réglage de la soufflerie ; ouverture du creuset (bas du four) : coulée de la fonte dans un moule en terre et forage du canon avec un foret en acier.

  • Ouvriers : une quinzaine environ : chargeurs, gardeurs, mouleurs, chauffeurs, forgerons, etc.

Les canons

Les calibres des canons correspondaient au poids des boulets. On produisait à Etouars des petits canons (de 4, de 6 ou de 8). Aux forges équipées de deux hauts fourneaux (Forge-Neuve, Jaumelière, La chapelle, par ex.) se fabriquaient des canons de 12, de 18, de 24, et de 36 (3.16 m de long et environ 3500kg).

  • Ouvriers à Etouars : une centaine au total.

Anciennes Forges

Les anciennes forges du Périgord-Limousin-Angoumois
Saviez-vous que le Périgord-Limousin-Angoumois influença l’Histoire de la France ? Saviez-vous qu’une part importante de la Grande Histoire, celle du « Roy », de sa flotte du Ponant et, plus particulièrement, de l’arsenal de la Royale de Rochefort était directement liée à celle de cette région ? Il n’est pas si lointain le temps où les hautes vallées du bassin de la Charente fournissaient en matières premières (bois, tonneaux, chanvre, toile, feutre, laine, canons et poudre) les intendants de « sa Majesté », puis ceux de la République et de l’Empire.

Prenez les canons, par exemple. Si cette région fut un des berceaux de la sidérurgie française, c’est bien grâce aux commandes de Louis XIV puis de Louis XVI, aux 17e et 18e siècles, à partir de la création de l’arsenal de Rochefort en 1666. On ne saurait oublier le rôle du marquis Marc René de Montalembert. Noble charentais précurseur de la démarche industrielle moderne, il a su capter les marchés considérables de la Royale, concentrer dix huit forges dans son « groupe », reconnaître les potentialités en énergie hydraulique de la Touvre, pour créer en 1751 la fonderie de RUELLE à proximité du port L’Houmeau près d’Angoulême.

Ainsi des flux économiques et de population importants se créent de l’arrière-pays de Rochefort jusqu’aux Amériques. D’est en ouest, les voies terrestres convergent vers Port l’Houmeau où fardiers et charrettes déversent leurs marchandises. De là, une importante batellerie de gabarres achève de transporter ces produits à Rochefort. D’ouest en est, on rentabilise « la remonte » en transportant du sel, des poissons et autres produits venus d’outre-mer.

Le déclin commence avec l’utilisation de la houille dans les hauts-fourneaux anglais au début de la révolution industrielle. Les réserves de charbon de bois et de minerai comptent peu face à celles des bassins houillers et miniers nouvellement découverts dans le nord de la France. Il s’accentuera avec la concurrence étrangère favorisée par l’ouverture des frontières à la suite de la signature du traité de Libre Echange en 1860.

L’impact de cette industrie sur le territoire fut considérable et durable : surconsommation de charbon et disparition des futaies de chênes, de hêtres, de charmes au profit des taillis de châtaigniers, construction de nombreux châteaux et repaires aux 16e et 17e siècles, création d’infrastructures industrielles lourdes (pour l’époque) pour utiliser l’énergie hydraulique, traiter et faire fondre le minerai ou transformer les métaux obtenus. Beaucoup de ces réalisations marquent encore les paysages. Mais bien au-delà de nos contrées, on retrouve encore aujourd’hui des traces de ce passé dans les forts d’Acadie, des Caraïbes ou de la Réunion grâce à de nombreux canons estampillés « Rancogne, Planchemenier, Forge-Neuve, Ruelle, Rochefort » ou autres…